L'égo du cavalier : opportunités et limites
En équitation, nous pensons souvent travailler la technique, le cheval, le mouvement. Pourtant, quelque chose influence chaque geste, chaque respiration, chaque tension ou relâchement : notre monde intérieur.
Parmi ses acteurs les plus puissants — et parfois les plus discrets — se trouve l’égo.
Équitation Sophrologique - Par Romain Basmaison, le 9 Décembre 2025
Qu’est-ce que l’égo ?
L’égo est la conscience d’un « moi » séparé des Autres et du reste du monde.
Dans cette première définition, se dessine déjà une équation délicate : exister sans se couper, sans se mettre en opposition avec ce qui est différent du « moi ».
L’égo est cette part de notre psychologie qui construit un personnage et cherche à maintenir l’identité de celui-ci. Pour cela, il s’approprie de nombreux éléments perçus comme étant « moi » :
ce qui a été entendu,
ce qui a été vécu émotionnellement ou comportementalement,
ce qui a été déduit intellectuellement.
Une deuxième équation majeure apparaît alors : discerner ce qui constitue réellement notre personnalité — voire notre essence — de ce qui relève de la défense, du paraître, ou de la peur du regard d’autrui.
Dans cette construction du personnage, parfois jusqu’au rôle de composition, l’égo se saisit de tout ce qui touche à l’image du « moi » : positif ou négatif, agréable ou inconfortable, aidant ou limitant.
L’équitation : un révélateur intérieur puissant
L’équitation met en scène notre personnage intérieur plus que beaucoup d’autres disciplines.
Le cheval nous reflète tels que nous sommes dans l’instant, sans filtre ni diplomatie.
Il capte tout :
les micro-tensions,
les respirations retenues,
les pensées qui s’agitent et s’inscrivent dans le corps,
les comparaisons mentales qui se traduisent par une (dé)connexion à lui.
Dès qu’une partie de nous cherche à maintenir une identité, à préserver un personnage, à être perçue d’une certaine manière, l’égo se met en mouvement pour “tenir” ce moi-là. Souvent avec effort. Parfois de manière inadaptée aux besoins du cheval et de la situation présente.
Poésie cavalière
Forts et sensibles chevaux,
De mon égo, je ne vous prendrai pas de haut,
Porté par votre dos, j’honorerai ce cadeau,
Au pas, au trot, ou au grand galop,
Ma maîtrise intérieure révèlera notre duo.
Un héritage collectif encore à l’œuvre
L’égo équestre est aussi un héritage de l’inconscient collectif.
Monter à cheval réactive quelque chose d’ancien, inscrit dans notre mémoire humaine.
Depuis des millénaires, s’élever sur le dos du cheval a été chargé de symbolique :
prendre de la hauteur, avoir un rang social, commander, conquérir, combattre, impressionner, se faire respecter.
Le cheval a longtemps été associé à la puissance, à la domination, à la noblesse et à la guerre.
Même si nous ne nous identifions plus consciemment à cet héritage, l’acte de monter à cheval en porte encore la trace. Être porté par un être aussi fort que sensible peut réveiller une impression de puissance, de contrôle, voire d’exister davantage.
Pour un égo fragile, cette hauteur devient un terrain glissant.
Elle peut activer :
le besoin de tenir un rôle,
l’envie de prouver,
le contrôle comme tentative d’exister « correctement ».
Or le cheval, dans sa nature de proie et son extrême sensibilité, perçoit ces états comme un danger potentiel.
C’est tout l’effet miroir : il ne réagit pas à notre idéal de cavalier, mais à ce qui s’exprime réellement dans notre corps et notre psychisme.
Rien de mal à cela. C’est profondément humain. Et en même temps, le cheval devient un maître exceptionnel pour cheminer avec l’égo, rassurer la part apeurée, et autoriser une existence fondée sur des valeurs plus profondes : collaboration, harmonie, respect, amour, éthique, Art équestre.
Observer l’égo plutôt que le laisser conduire
Remarquer les jeux de l’égo, c’est entrer en dialogue avec lui — de soi à soi — plutôt que de le laisser dialoguer directement avec le cheval.
Nous avons tous vécu cette scène.
Nous étions bien. Connectés. Présents. Dans le flow.
Puis quelqu’un arrive au bord de la carrière.
L’égo surgit immédiatement :
« Qu’est-ce qu’il pense de moi ? Est-ce que je monte bien ?
Suis-je élégant ? Crédible ?
Je dois leur montrer que je suis un bon cavalier, moi. »
En un instant, nous quittons nos sensations pour entrer dans le mental.
La respiration se raccourcit.
Les muscles se figent.
La fluidité disparaît.
Le cheval, en miroir, se tend à son tour, perd de l’impulsion, s’interroge, parfois se défend.
Il interprète ces signaux corporels comme l’indice d’un danger potentiel.
Dans ces moments-là, une question simple peut devenir un fil conducteur :
Pour qui suis-je en train de monter maintenant ?
Pour moi ? Pour le cheval ? Pour être vu ? Pour être reconnu ? Pour être aimé ?
Quand l’égo devient un allié
L’égo n’est pas seulement celui qui complique les choses.
Il peut aussi être un moteur précieux, un élan, lorsque son énergie est orientée de manière juste.
Lorsqu’un cavalier s’appuie sur un personnage aligné avec ses valeurs :
il se sait adaptable, et devient réellement plus adaptable ;
il se sent capable, et cette capacité s’incarne dans ses gestes ;
il se fixe un objectif juste, et l’égo devient un tuteur pour s’y diriger avec constance.
Dans mes jeunes années, mon égo s’est saisi de paroles entendues :
« Tu es capable de monter tous les chevaux »,
« Les chevaux sont bien avec toi ».
Cette saisie identitaire m’a inconsciemment poussé à m’adapter à chaque cheval rencontré, pour continuer de faire exister ce personnage. Ici, l’égo soutenait l’élan plutôt qu’il ne le limitait.
Les pièges de la comparaison et des croyances
L’égo devient limitant lorsqu’il se perd dans les projections du regard d’autrui, dans la comparaison tournée uniquement vers l’extérieur.
Nous montons alors :
pour être vus plutôt que pour ressentir,
pour « faire propre » plutôt que pour accompagner le mouvement,
pour prouver plutôt que pour rencontrer.
À cela s’ajoutent certaines croyances bien ancrées :
« Il faut en baver pour progresser »,
« Sans difficulté, ce n’est pas du bon travail »,
« Il faut échouer pour réussir ».
Ces croyances rigidifient le corps et l’esprit. Elles fabriquent parfois l’échec qu’elles redoutent, en créant de la tension là où la progression aurait besoin de fluidité et de curiosité.
Reconnaître l’égo plutôt que le combattre
L’enjeu n’est pas de lutter contre l’égo.
Ce serait vain, et même dangereux.
L’égo est aussi une énergie de vie :
un besoin d’exister, de contribuer, d’avancer, de désirer.
Ce qui importe, c’est de le reconnaître.
Observer ses pensées.
Nommer ses émotions.
Identifier les comportements qui en découlent.
C’est déjà reprendre les rênes.
C’est passer de la réaction à l’action.
À retenir
L’égo n’est pas un ennemi : il cherche à protéger et à faire exister l’individu dans le collectif.
Le cheval révèle immédiatement les mouvements de l’égo.
Identifier l’égo permet déjà de s’en désidentifier.
La sophrologie réoriente vers l’alignement corps–esprit, mouvement et intention.
Question-clé : « Pour qui suis-je en train de monter maintenant ? »
Il est essentiel de distinguer la saisie aidante de la saisie limitante de l’égo.
Aller plus loin : quand l’équitation devient un chemin intérieur
Si ce texte résonne, ce n’est sans doute pas un hasard. Il parle d’un rapport au cheval — et à soi — qui ne se limite pas à la technique, mais qui engage le corps, l’émotionnel, la présence et l’intention.
C’est précisément ce que je transmets à travers l’Équitation Sophrologique : une approche qui permet au cavalier — et à l’enseignant — de reconnaître les mouvements de l’égo, d’apaiser les tensions intérieures, et de retrouver une équitation vivante, sensible et juste.
Pour pratiquer à ton rythme
Le programme en ligne Équitation Sophrologique
Un accompagnement progressif pour développer la conscience corporelle, la régulation émotionnelle et la qualité de présence à cheval.Le livre Équitation Consciente
Pour approfondir ces notions, comprendre les liens entre psychisme, corps et relation au cheval, et nourrir une pratique plus alignée.
Pour vivre l’expérience sur le terrain
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Trois jours pour ralentir, ressentir, observer l’égo à l’œuvre et explorer une autre manière d’être à cheval, dans un cadre sécurisant et profondément humain.
Pour les enseignants d’équitation
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Une formation destinée aux enseignants souhaitant intégrer durablement cette approche dans leur pédagogie.Calendrier :
• Module 1 : 16 au 20 novembre 2026
• Module 2 : 18 au 22 janvier 2027
• Module 3 : 22 au 26 février 2027


